Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur tome 2, 1860.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
LIVRE XVI.

palmistes, une âme amoureuse peut contenter ses désirs infinis, sans être troublée par aucun souci du monde. Là les roses sont sans épines ; la nuit est une volupté, tout souvenir est embaumé. Ce n’est pas encore le palais bleu, étoile de l’écliptique, dont vous avez tant rêvé, mais c’en est le chemin. Souffrez donc que je vous y donne rendez-vous, à l’endroit où la terre finit, sur la plage, que baise jour et nuit, sans se lasser jamais, la vague tiède, amoureuse comme vous. Là nous échangerons quelques mots, à l’embouchure du Gange ; ce moment décidera de notre avenir.

Pars donc, Merlin, et viens ! ou plutôt vole ! Mais attends-toi à me trouver bien pâlie et changée par les pleurs. Tu me reconnaîtras de loin à mon long voile de soie que je tiendrai baissé jusqu’à mes pieds. Plût au ciel qu’il en eût été toujours ainsi !

IV

MERLIN À VIVIANE.
Golfe du Bengale.

Des sables, des déserts, des sources de naphte, des antilopes, des gazelles moins promptes que toi à fuir au bout de l’horizon ; des monts sourcilleux, des plaines dévorantes, des villes abandonnées, des dragons de