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MERLIN L’ENCHANTEUR.

pierre debout dans les ruines, des inscriptions mystérieuses en fer de lance, auxquelles j’ai ajouté ton nom ; des danses de derviches, d’aimées, de bayadères ; des caravanes, des chameaux chargés de péris, de houris, de dieux basanés : que tout ce monde est différent de l’empire d’Arthus ! Mes yeux sont éblouis, mais mon cœur s’épuise et tarit à mesure que j’avance.

Je vais errant comme un pèlerin qui n’a plus d’autel, sans oser regarder au fond de ma pensée. Je fais comme ceux qui passent au milieu d’une forêt ou d’un jungle. Ils détournent les yeux de chaque broussaille de cousa, car ils ont peur d’en voir sortir la tête d’un boa constrictor.

D’ici je contemple les cimes d’argent de l’Himalaya, et je me perds dans cette immensité.

J’ai été bien reçu par les enchanteurs de ce pays, dont quelques-uns sont si vieux que la mousse a recouvert une partie de leur visage ; ils m’ont montré dans leurs étables ces fameux troupeaux de vaches rousses qui traînent ici le char de l’aurore ; j’ai formé avec eux de nombreuses relations qui nous seront fort utiles, Viviane, quand nous seront établis, si cela doit arriver enfin !

Au milieu du gazouillement des bengalis, j’ai conversé avec des dieux-enfants éternellement baignés dans des mers de lait. Je leur ai parlé de toi. Je leur ai promis que tu leur apporterais des mûres de la Crau, des pommes de Normandie, des nèfles, des châtaignes d’eau, des poires sauvages, dont ils sont d’autant plus