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MERLIN L’ENCHANTEUR.

un petit peuple vaillant, les Portugais, qui doivent venir ici joindre par une chaîne magique le Tage et l’Indus. J’espérais d’heure en heure voir blanchir leurs voiles latines à l’horizon ; mais ils tardent trop à mon impatience.

Adamastor, le génie de la tempête (tu le connais), avait juré de leur barrer le passage. Je lui ai ordonné de leur ouvrir lui-même les portes d’Orient sur leurs gonds de rubis ; et il m’a promis d’obéir.

Qu’ils viennent donc, ces fils de Lusus, vers lesquels je tends les bras ! Qu’ils viennent ! Je respire d’avance la gloire de ce peuple sans peur, comme on respire de loin la moite odeur des fleurs d’eaux d’un continent longtemps avant de le voir émerger du sein des tièdes plaines océaniques.

Tout ici est préparé par mes soins pour que le mal du pays ne les prenne pas au cœur. J’ai suspendu sur la rive embaumée ton collier de pierreries et de perles, comme autrefois la toison d’or, insigne récompense de ces nouveaux Argonautes. C’est pour eux que le muscadier, le sandal fleurissent, et que les dattiers Se couronnent de lianes sauvages.

Non content de ces dons, j’ai gravé leur éloge en vers dans la grotte harmonieuse de Goa. Quel étonnement sera le leur, en voyant que la renommée de leurs actions les a précédés à cette extrémité du monde et que l’écho des Maldives retentit déjà des fanfares du clairon portugais ! Ce jour-là, ils se consoleront de l’absence de la douce patrie chérie. Ils se demanderont quelle