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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Mais aujourd’hui une impatience fiévreuse agite l’esprit des hommes. La soif de l’or les empêche de prêter plus d’une heure d’attention aux récits des conteurs. Il me faut abandonner la riche matière qui se présentait à moi.

Comme le navigateur qui cingle en pleine mer, s’il est saisi tout à coup par le mal du pays, ou mieux encore par la crainte d’une banqueroute imminente, vire de bord et dit adieu à la tempête, de même je cargue ici la voile et j’entre dans le port.

Aussi bien, dès la fin du chapitre précédent, j’ai reconnu les Colonnes d’Hercule pavoisées des couleurs du roi d’Espagne. Voici déjà la blanche Cadix qui ressemble à une mouette assise sur les flots ; un peu plus loin c’est Séville. J’entends le bruit pétillant des castagnettes qui, dans tout le royaume, salue le retour d’Alifantina et de l’enchanteur Merlin.

La soirée était une des plus belles qu’on eût vues cette année-là sur les côtes d’Andalousie. Il avait plu le matin ; et, soit l’effet des nuages irisés, dispersés vers le ponant, soit plutôt une révélation anticipée des continents encore inconnus de l’Amérique, il est certain que des paysages d’or, d’opale ou de carmin bordaient tout l’horizon à l’Occident.

Un peu avant d’arriver à Cadix, Merlin invita le roi Alifantina à se retourner du côté de la pleine mer et il lui dit :

« Sire, regardez au loin ces royaumes magiques qui étincellent au large. Ce sont les empires que nous au-