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MERLIN L’ENCHANTEUR.

à Cordoue m’ont retenu trois jours. J’arrive ; dans une cour, sous des colonnettes, au bord du Guadalquivir, une jeune fille voilée m’attendait. À mon approche elle laisse tomber de ses mains défaillantes un petit poignard.

Comme il est fréquemment question dans ce pays de femmes et de houris voilées qui vous entraînent d’escaliers en escaliers dans des rues tortueuses, et à la fin se trouvent être d’affreux squelettes, je résolus de me tenir sur la plus grande réserve.

« Qu’avez-vous, Dolorès ? Que demandez-vous de moi ?

— Seigneur enchanteur, faites que je sois aimée, ou je meurs.

— Volontiers ; mais je ne puis rien si vous ne levez votre voile.

— J’obéirai, seigneur. »

Sur cette réponse, je m’attendais à voir la face hideuse de quelque cadavre.

Ô éblouissement ! À peine dix-sept ans. Un front presque aussi blanc que le tien, si ce n’est pas un blasphème ; des cheveux comme les tiens, excepté qu’ils sont moins soyeux et plus noirs ; des yeux qui lançaient des éclairs, des lèvres qui rappelaient les tiennes, hormis qu’elles étaient tremblantes.

« Aimée ! Dolorès ! aimée ! oui, vous serez aimée, ou je ne m’appelle pas Merlin. Mais de qui voulez-vous l’être ?

— De vous, seigneur enchanteur. »