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LIVRE XVIII.

À ces mots, je sentis que par trop de précipitation je m’étais enchaîné moi-même. Que faire, Viviane ? la parole sacrée avait été prononcée. Voilà pourquoi je fus vaincu, mais seulement à moitié. Je lui représentai avec force que ce qu’elle demandait de moi était presque impossible ; mes engagements, mes promesses, mes liens de diamant, il n’en était pas de plus solides au monde. Non, jamais… que plutôt le ciel me… Enfin, je te nommai, Viviane. Elle n’en prit aucun souci et ne m’entendit pas. Ses yeux brûlants étaient cloués sur moi ; je fus forcé de baisser les miens, de regarder à ses pieds. Ce qu’elle aime de moi, dit-elle, ce n’est pas telle ou telle qualité : ce n’est ni mon corps ni mon âme : c’est la magie. Voilà pourquoi le mal est si profond. Ses mains tremblaient, ses genoux fléchissaient ; deux fois elle se roula devant moi sur le pavé de marbre ; deux fois je la pris dans mes bras et je la relevai ; mais je murmurai aussitôt : « Il est trop tard ! »

« Il faut donc mourir ! » s’écria-t-elle.

Il est certain que depuis ce moment, elle a essayé dix fois en une heure de se jeter par la fenêtre, dans le Guadalquivir, lequel malheureusement passe sous le balcon. Ce qui m’a obligé de mettre des barreaux ciselés à toutes les fenêtres andalouses. Mais qu’est-ce que cela ? mon Dieu !

Déjà son visage est pâle comme un vase d’albâtre à travers lequel rayonne une lampe sacrée. Pour peu que je m’éloigne, ses cris s’entendent du fond du patio. Car elle a la voix claire, argentine et même un peu africaine.