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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Qui arracha votre coupe divine aux lèvres des nations ivres, et la garda quoique ébréchée ?

Qui ramena vers vous le bon Turpin et vous rendit avec lui les trésors auxquels vous tenez plus qu’à nous tous ?

Est-ce vous par votre art ? Oh ! que non pas, Merlin. Viviane a tout fait, Viviane a voulu tout cacher.

Depuis quelques jours elle est plus solitaire que jamais. Elle poursuit un projet et s’y attache comme elle fait à toute chose, c’est-à-dire aveuglément. Que peut-il être ? Je tremble à la voir si taciturne.

Les gazelles qu’elle nourrit de sa main s’aperçoivent comme moi de sa mélancolie et la suivent en pleurant. Les oiseaux lui disent à l’oreille : « Pourquoi es-tu si triste ? » et elle ne semble pas les entendre. Moi-même je n’ose l’interrompre dans ce long monologue, qui n’est pas près de finir. Je la connais, elle se réveillera de cet accablement. Mais par quel coup de tonnerre ! Puissions-nous ne pas y périr tous !

Ô Merlin ! qu’avez-vous fait de cette maison si sereine avant que vous y fussiez entré ? Les heures coulaient si doucement, qu’on ne pouvait les compter. Vous êtes venu : le trouble, l’angoisse ont commencé. Hélas ! c’est moi que je dois accuser. N’aurais-je pas dû ouvrir les yeux à Viviane sur les inconvénients de votre caractère, que vous êtes, à ce qu’il paraît, incapable de dompter ou même de corriger ? Et c’est moi, au contraire, qui ai patronné vos entreprises !

Mettez donc une fois, ô mon fils ! vos actions d’accord