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LIVRE XVIII.

avec votre beau parler. Il est moins difficile d’enchanter les mondes, qui, vous le savez comme moi, sont très-aisément dupes. D’ailleurs, il y a aujourd’hui tant d’enchanteurs, que ce n’est presque plus la peine d’en être un. Pour ma part, je ne vous accorderais jamais ma filleule si vous n’aviez d’autre mérite que celui-là !

Écoutez-moi, Merlin, j’ai quelque expérience. J’ai vu, à ma cour, des magiciens, des princes, force rois, quelques dieux. J’ai vécu dans leur intimité, entendu leurs secrets, reçu leurs confidences. De tout cela j’ai retiré ce que je vais vous dire : Un jour de bonheur légitime donné à qui nous aime vaut toute la gloire du monde.

À force d’indiscrétion vous avez compromis ma filleule dans l’univers presque entier : un mariage honnête peut encore tout réparer. Le voulez-vous sérieusement ? Donnez-nous alors un gage. Prouvez-moi que ce besoin d’errer, lequel n’est rien autre chose que celui de fuir votre légèreté, votre instabilité, ne vous ressaisira pas quand nous aurons serré les nœuds de diamant. Quel regret, en effet, des deux parts !

Je vous avertis que ma filleule peut faire aujourd’hui même une alliance plus sortable que la vôtre, au moins par la naissance. La vôtre n’est pas sans inconvénients du côté paternel. Faites oublier cette tache (je ne vous la reproche pas) à force de complaisance, de bonne humeur. Il ne s’agira plus de voltiger de fleur en fleur, ni de vous dérober d’abîmes en abîmes. Jurez-moi que vous supporterez, en souriant, le poids journalier des