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MERLIN L’ENCHANTEUR.

son livre, et l’espérance revit dans mon cœur. Voilà sa plus grande magie.

Dites, où l’avons-nous laissé ? Il ressemble à la vérité ; rien de plus malaisé que de ressaisir ses vestiges quand on les a abandonnés. Que de jours mauvais ont passé sur moi depuis que j’ai perdu sa trace enchantée ! Que de profondes eaux se sont amassées sur ma tête ! N’en suis-je pas submergé ? La sagesse de Merlin (quoique je n’aie pas hésité à faire connaître aussi ses erreurs) était pour moi le fil dans le labyrinthe des jours. Depuis que j’ai laissé se briser le fil, je suis égaré dans la nuit sans aurore.

Encore une fois, si vous avez retrouvé mon héros, dites-le-moi. Qu’est-il devenu ? qui l’a vu ? par où a-t-il passé ? Il me semble qu’au moment où nous avons pris congé de lui, il venait d’enchanter la terre, que rasait le soleil couchant. À ce signal, une comète avait secoué ses cheveux d’or ; elle se précipitait du haut du char de David, tête basse dans l’Océan, pendant que sa robe étoilée, flamboyante, traînait encore au loin dans l’immensité bleue du firmament. Vous en souvenez-vous ?

D’ailleurs tout était serein dans mon cœur et dans le vôtre. Nous étions jeunes, vous et moi, ou, du moins, nous passions pour tels. Un cercle d’amis nous entourait, et pas un d’eux ne nous avait reniés. Pourquoi cela a-t-il changé ? il y a si peu de jours qu’il en était ainsi !

Le monde est plein, dans le siècle où nous sommes, d’auteurs qui vont voler les héros que d’autres se sont donné la peine de déterrer. Je vous répète (cela est sé-