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MERLIN L’ENCHANTEUR.

II

Le sage Merlin avait achevé ses pèlerinages. Il rentrait par les portes d’Espagne dans l’immense royaume d’Arthus, qui comprenait alors l’Angleterre, la France, l’Italie et la plupart des terres voisines, sans compter le royaume des songes, dont il était le maître à peu près absolu. Quelqu’un qui eût vu passer notre enchanteur l’eût trouvé tout semblable à ce qu’il était avant ses voyages : même grâce, même sourire, le teint seulement un peu basané, comme il était naturel après avoir visité tant de climats différents.

Mais sous cet air de fête, vous eussiez pu aussi, avec plus d’attention, découvrir un profond changement. Après tant de recherches Merlin n’avait pu retrouver Viviane ; il commençait à désespérer de la revoir jamais. Puis le doute se joignait au désespoir.

« N’est-ce pas un rêve que je poursuis ? se disait-il à lui-même, après avoir pris congé des âniers du roi d’Espagne. Que de courses ! que de voyages et quel néant ! Suis-je donc plus sage que tous les autres sages ? Pourquoi m’obstiner dans cette passion pour un songe ? Hélas ! j’ai été dupe ; est-ce une raison de l’être toujours ?  »

La douleur la plus cuisante n’avait point anéanti dans