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MERLIN L’ENCHANTEUR.

forêt, des vautours anthropophages qui portaient un joug d’or.

« Qu’est ceci ? demanda Jacques.

— Signe de mort, » répondit le prophète.

En effet, à deux archées de là, il vit sortir du palais une grande foule d’où s’échappaient des soupirs et des lamentations. Bientôt il reconnut cette même cour d’Arthus qu’il avait laissée si triomphante à son départ. Mais Arthus lui-même, où était-il ? On n’osait en parler.

Ses parents, qui formaient chacun une dynastie, avaient perdu leurs couronnes. Têtes nues, sans diadèmes, ils marchaient en pleurant, sous la pluie mêlée de neige et de frimas.

Là vous eussiez vu, battu de l’horrible tempête, le roi Lear, chauve, devenu fou, prenant pour son bâton de vieillesse Ossian, le roi des brumes ; après eux, le bon Uter, à la tête de dragon, le beau-frère d’Arthus ; son oncle, le roi des Orcades ; son père nourricier, Anthor ; Owain toujours suivi d’une armée de corbeaux. Qui nommerai-je ensuite ? Toi, Claudas, le roi de la déserte, à l’écu de sinople, aux trois gueules d’argent ; toi, Ban de Benoix, qui règnes dans la forêt de Briogne ; et puis encore Rodarch de Cambrie, Ambroise Aurèle, Érec de Nantes, le sage Ulsins, conseiller des plus sages ; tous couverts de cendre, déchirant leurs habits. L’ermite Ogrin les suivait, hors de la foule, psalmodiant : Miserere ! miserere !

Du plus loin qu’il les vit, Jacques s’écria : « Oh ! Dieu ! quel deuil et quel dommage ! Voici que les rois