Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur tome 2, 1860.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
216
MERLIN L’ENCHANTEUR.

— Nos filles mêmes nous ont chassés dans la pluie et la neige, interrompit le roi Lear. Ah ! comment ont-elles pu avoir le cœur si dur, nos filles aux tendres yeux de biche ? Merlin, petit Merlin ! aide-moi, mon ami. Ne laisse pas ma vieille tête se lézarder comme ces donjons qui croulent. »

Merlin jeta les yeux autour de lui. Il ne découvrit, en effet, que ruines de donjons sur les sommets des collines. Les tours qui n’étaient pas écroulées étaient toutes chancelantes ; les meilleures avaient perdu au moins leurs créneaux et les rois disaient :

« Sans vous, Merlin, nous périssons, Dieu sait qui nous remplacerai »

Alors les châtelaines se mirent à pleurer : « Qu’avons-nous fait, disaient-elles, pour être ainsi battues des vents ? » Puis les reines ajoutaient : « Que vous coûte-t-il de ramener les peuples à nos pieds ? Moins qu’un sourire.

— Il faut, répondait Merlin, que vous ayez désobéi à l’un de mes commandements.

— Auquel ? repartit la foule des rois, des barons, des châtelaines.

— Je soupçonne que vous n’avez pas aimé comme je vous l’avais tant ordonné. Mais vos peuples, où sont-ils ? et Arthus ?… »

Il allait continuer, lorsqu’un glas funèbre retentit sur la terre et arrêta la parole sur ses lèvres.