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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Leur voix était grêle comme celle du vent dans le désert ; leur haleine empestait le monde.

Il y avait au-dessus d’eux, dans une tour ouverte, une cloche qui sonnait jour et nuit un glas, et c’était le glas d’un monde. Mais personne n’y prêtait l’oreille, tant on était accoutumé à l’entendre. Plusieurs le prenaient pour le tintement de l’Angelus, à l’heure où les voyageurs cherchent un gîte pour la nuit prochaine.

Merlin contempla longtemps le front de ces nations muettes qui ne désiraient pas revivre. Un froid mortel le saisit lui-même en les regardant. Il sentit que s’il s’arrêtait davantage, le vertige de la mort le gagnerait, comme l’oiseau fasciné par l’œil du serpent.

Sans essayer de leur parler (car il voyait à leur endurcissement combien cela était inutile), pleurant, épouvanté, il précipita ses pas jusqu’au vestibule du palais d’Arthus.

VII

C’était un pâle jour d’hiver. Les formes de toutes choses semblaient s’enfuir et s’évanouir dans un linceul de brumes. Les montagnes, tronquées à leur faîte par d’épais nuages, ne montraient que leurs pieds bruns sous le rideau qui les enveloppait de ses plis ; nul bruit excepté le cliquetis du grésil sur la terre durcie. Le monde muet et glacé semblait résigné à mourir.