Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur tome 2, 1860.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
221
LIVRE XIX.

Dès que les chiens qui veillaient au seuil d’Arthus aperçurent Merlin, ils se levèrent et poussèrent de longs hurlements. Bientôt ils le reconnurent ; la tête baissée, ils vinrent lui lécher les mains et le conduisirent vers le seuil de leur maître.

Avertis par leurs aboiements, les deux portiers, Drèm, à la forte main, Kénon, fils de Klédno, se levèrent à leur tour du banc où ils étaient assis ; et sans parler, tout soupirant et angoisseux, ils ouvrirent les deux pans de la porte de chêne.

Arthus, le noble roi de l’avenir, était étendu sur sa couche dans la plus vaste salle de son palais de bois, jonchée de joncs menus. Il se mourait du même mal que ses peuples.

La reine Genièvre venait de charger d’amulettes le front de son époux ; elle gisait, près de lui, sur la peau d’ours déroulée au pied de la couche royale.

D’où venait le mal d’Arthus ? Était-ce la satiété de biens trop facilement acquis ? Arthus avouait qu’il ne s’était rassasié à aucune coupe ; pourtant il n’avait plus même soif de la justice.

Était-ce la vieillesse ? Il entrait à peine dans l’âge mûr ; déjà il sentait toutes les glaces de la décrépitude.

Avait-il trop présumé de son temps, et s’était-il dégoûté de vivre en le voyant si misérable ? Avait-il été trompé par les générations qui avaient promis de le suivre, et qui maintenant le reniaient à l’envi ? Ce coup avait-il brisé en lui les forces et la vertu du héros ?

Ah ! combien il était différent dans ces jours déjà