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MERLIN L’ENCHANTEUR.

sortant de l’obscur limon, mais Arthus ne la reverra pas.

« La pierre brute sera réchauffée par l’aube ; mais lui ne goûtera que le froid de la mort.

« L’herbe des champs sentira d’avance le souffle tiède du printemps ; elle s’en réjouira sous la neige. Mais Arthus, mais le sage, le bon, le roi des justes ne respirera que le souffle du sépulcre.

« Ô Dieu ! où est ta justice ?

« Ô ciel ! où est ta lumière ?

« Ô Providence ! où est la gloire ?

« Rose mystique ! où est ton parfum ?

« Tour d’ivoire ! où est ta blancheur ?

« Étoile du matin ! où est ton rayon ? »

Merlin, que ces clameurs transperçaient, se leva comme un homme inspiré. Il se fit apporter la large épée nue d’Arthus, et il en approcha la lame bleuâtre des lèvres glacées du roi. Le tranchant de l’épée se couvrit d’un pâle nuage, comme celui que laisse le souffle du matin sur la vitre transparente.

« Arthus vit encore ! il respire ! il sommeille ! »

Ce mot plus prompt que l’éclair vole de bouche en bouche ; il arrête les larmes ; il suspend la plainte. Aux longs gémissements succède un silence de stupeur et d’espérance.