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LIVRE XIX.

que ses serviteurs arrivaient trop lentement à son gré et qu’il avait hâte, il s’y traîna en marchant, appuyé sur leurs bras. Là il reposa un instant ; et presque aussitôt sa tête, cette tête puissante, altière, retomba sur son sein et y demeura scellée, comme si elle eût été poussée en avant par une main invisible à laquelle il était inutile de résister. Ses yeux restèrent fixes, étonnés de la première approche des éternelles ténèbres.

Un cri aigu partit de la salle et remplit le palais.

« Arthus, le roi Arthus est mort ! »

Cependant la nuit était venue ; et tant que l’obscurité couvrit la terre, la reine Genièvre empêcha sa douleur d’éclater ; elle resta froide et muette comme le soc d’un des piliers de marbre qui soutenaient la salle. Mais sitôt que l’ombre disparut, le désespoir se déchaîna dans son âme et la mort lui apparut pour la première fois, sans voile.

En voyant que l’aube recommençait à blanchir, la douce lumière à reparaître, pour tous les autres, excepté pour Arthus, et que lui seul ne jouirait plus des dons apportés par le jour à la moindre créature, un sanglot, puis un cri lugubre, puis une imprécation sortirent des lèvres pieuses de madame Genièvre. Ce cri fut répété par ses femmes, qui toutes s’assirent autour d’elle sur la terre ; et le palais de bois fut ébranlé par leurs rauques lamentations :

« Il est tombé, le roi de l’avenir ! celui qui apportait l’espérance à la terre.

« Le ver qui rampe reverra la lumière du jour en