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MERLIN L’ENCHANTEUR.

« Maintenant, je suis comme celui à qui il ne reste qu’une flèche dans son carquois. Malheur à moi, si je manque le but une fois encore ! Ce sera la dernière, et l’éternel oubli s’amassera sur mon nom.

« Enseignez-moi, ô maître, ce dernier chant, ce chant suprême du cygne, qui domptera leurs cœurs et m’ouvrira leurs oreilles endurcies.

« Dites-moi les mots, s’il en existe de semblables, qui peuvent encore toucher cet âge d’airain. Car tous ceux qui sont sortis de mes lèvres sont tombés impuissants sur leurs cervelles de fer.

« Apprenez-moi le chemin des âmes pétrifiées, avant que la vieillesse, pire que la mort, ne me rende moi-même sourd à vos leçons. Déjà les infirmités messagères du tombeau m’ont ôté le sourire.

« Dites-moi de quelle langue il faut se servir pour entrer dans les cœurs de pierre. »


« Attendrir le cœur des hommes d’aujourd’hui ! interrompit Merlin. Que me demandes-tu ? Je l’ai essayé, et moi-même je n’ai pu y réussir. Le cœur ne répond plus au cœur, ni la voix à la voix. Tu verserais à leurs pieds ton âme, comme l’eau ; ils ne la regarderaient pas.

— Je suis donc, s’écria Fantasus, le rebut de l’univers, moi qui m’en croyais le maître ! Tombé du ciel sur terre…

— C’est le sort de Phaëton. Tu as voulu régir le soleil.