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MERLIN L’ENCHANTEUR.

« Fiez-vous à moi, prophète ; je vous le ramènerai humble de cœur et repentant.

— Et quand cela serait ? Comment le croire désormais ? comment me confier à lui un seul jour ! J’ai déjà trop pardonné : il faudrait peut-être faire sentir la verge, et cela m’est odieux.

— Oui, la verge de chêne ou le nerf de taureau. Je m’en charge.

— Du moins, si cela arrive, que cela n’aille pas jusqu’au sang !

— Non ! une simple flagellation !

— Ah ! mon ami ! grâce ! grâce ! épargne-le. J’entends d’avance ses cris déchirants ; il a la voix haute et claire.

— Soyez tranquille, Merlin ! J’ai manié moi aussi plus d’une fois le fléau de Dieu. Je sais m’en servir. »

À ces mots, Turpin alla fouiller dans ses hardes. Il en retira, dans un fourreau de cuir, un fléau bien emmanché, flexible à souhaits, encore noué de lanières, et le battant était d’airain.

« Que vois-je ? s’écria le prophète.

— Le fléau de Dieu, répondit le futur archevêque. C’est celui dont David a châtié les Amalécites. De David il a passé aux mains de Scipion l’Africain qui l’a trouvé dans les Syrtes ; de Scipion le Juste à l’empereur Dorothéus qui le laissa à ses fils ; de ceux-ci à Attila ; d’Attila à Dietrich de Berne, qui me le donna un jour après le Benedicite. Il y manque encore quelques lanières ; on y remédiera. »

Le bon Merlin détourna les yeux pour ne pas voir