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MERLIN L’ENCHANTEUR.

mêlons pas, de grâce, l’histoire et la philosophie. Je continue.

Sitôt que Viviane fut près de Merlin, elle écarta l’aubépine, et se présenta subitement devant lui. Il se retourne et la voit :

« Où suis-je ? Est-ce vous ? Est-ce toi ? »

Dans le premier moment, il ne sentait encore que douleur.

« Êtes-vous une ombre, reprenait-il, une vision, comme j’en ai tant rencontré dans cette vie fragile ? »

Puis, il se jeta à ses pieds, les baisa, ainsi que ses genoux et la mousse qu’elle foulait. Il remercia le ciel, la terre de la lui avoir rendue.

Sanglots, questions entrecoupées, reproches, baisers amers, larmes aveuglantes, cris étouffés qu’aucune parole ne doit essayer de rendre, remplirent la première heure. Quand enfin il se retrouva lui-même, il vit qu’une tristesse profonde avait pâli les joues de Viviane et l’empêchait de lui répondre. Plus elle faisait d’efforts pour maîtriser sa douleur, plus elle la laissait paraître.

« Pourquoi es-tu triste, chère âme ? lui dit-il.

— Moi, triste ! Je ne le suis pas, répondit Viviane avec un sourire où toutes les amertumes de la terre étaient rassemblées.

— Ce sourire me perce le cœur, ma chère vie. Mieux vaudrait pleurer. Dis-moi ce qui fait ta peine.

— Faut-il le dire ?

— Oui, parle.

— Non, je ne le dirai pas ; ce n’est rien.