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LIVRE XXI.

— Oh ! parle ou je meurs.

— Eh bien, Merlin, je suis triste, parce que j’ai peur de te perdre encore. Tant que tu sauras des choses que j’ignore, je me sentirai séparé de toi par des mondes magiques. Voilà ce qui fait ma peine.

— N’est ce que cela ?

— Pas autre chose. Je pleure parce que je n’ai pas ta science.

— Et quelle est donc, de toutes mes sciences celle qui te fait envie ?

— Je voudrais, doux ami, savoir ce qu’il faut faire pour enchaîner un homme, sans lien, ni chaînes, ni murailles, de manière qu’il ne puisse s’échapper. Apprends-moi, Merlin, cet art-là, le seul qui me manque de tes sept sciences, et je serai heureuse comme tu veux que je le sois. »

En entendant ces mots, Merlin gémit profondément.

« Pourquoi, es-tu triste à ton tour ? reprit Viviane. Et qu’est-ce qui te fait soupirer ?

— Je gémis, parce que je prévois ce que tu veux faire, et qu’il m’est impossible de te rien refuser. »

À ces mots, Viviane se jette à son cou ; elle l’embrasse, et lui parle doucement appuyée sur son épaule :

« De quoi as-tu peur, ô mon bien-aimé ? Ne peux-tu donc pas te confier tout à moi, comme je suis toute à toi ? N’ai-je pas quitté pour toi père et mère ? Mes désirs, mes pensées, mon âme entière est en toi. Ni joie, ni bien, ni espoir où tu n’es pas. Quand je t’aime ainsi, mes souhaits ne sont-ils pas les tiens ? En faisant ce que je