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MERLIN L’ENCHANTEUR.

envoyant l’aiguille noire toujours à la même place, sur le cadran de marbre.

Deux ou trois fois, Merlin dit imprudemment : « Viviane, pourquoi es-tu si pâle ? Mais il se reprenait aussitôt : « Rien ne te sied comme la pâleur. Que souvent j’ai maudit le soleil de ce qu’il brunissait tes joues ! »

Et Viviane répondait : « C’est à la clarté de cette lampe que j’ai découvert la beauté de Merlin. Je l’apercevais à peine auparavant à la clarté blafarde des jours qui ne duraient qu’un moment. »

Un jour (peut-être était-ce la nuit pour nous) Merlin entendit des gouttes d’eau qui tombaient au fond de l’abîme. Il se figura que c’étaient des pleurs de Viviane ; et la serrant dans ses bras :

« Tu pleures, Viviane ! Ne me le cache pas. Je vois, je vois encore une larme qui baigne tes longs cils.

— Il est vrai, Merlin, je pleure en pensant que je t’ai emprisonné dans ce monde invisible, souterrain, inexorable, privé de l’œil éclatant du jour. Vainement, je voudrais te faire repasser la barrière que j’ai fermée. Je ne pourrais la rouvrir. Cependant tu regrettes la terre amoureuse et les étoiles des nuits. Cette pensée empoisonne, pour moi, toute joie, dans notre demeure ténébreuse. »

À ces mots le bon Merlin répondit par un éclat de rire ingénu, épanoui, qui fit résonner au loin les voûtes, puis il ferma les lèvres de Viviane par un baiser : « Tiens ! voilà ma réponse. » Mais, presque aussitôt