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MERLIN L’ENCHANTEUR.

« Quelle est cette chanson ? disaient-elles en battant le seuil et le couvrant d’écume.

— Je vois d’ici, répondit Merlin, un Océan auprès duquel vous n’êtes qu’une goutte d’eau dans le sable de Syrie.

— Voyez-vous quelque chose de plus beau que nous ? s’écrièrent les étoiles.

— Je vois un ciel auprès duquel vous n’êtes qu’une étincelle sous la cendre d’un feu de berger. »

À ce moment le monde ayant fait de nouveau silence, l’enchanteur reprit avec plus de force :

« Qu’ils entendent ceci, Dieu et l’homme ! Qu’ils entendent clairement ceci, le jeune homme et le vieillard :

« Je défie le tombeau ; il ne glacera pas mon cœur. Ce que je haïssais, je le hais deux fois plus. Ce que je méprisais, je le méprise cent fois plus. Ce que j’aimais, je l’aime mille fois plus.

« Je défie la nuit ; elle ne fera pas les ténèbres autour de moi.

« Je défie les aigles voraces et les vautours qui se repaissent du sang et de la chair des morts. Les aigles et les vautours sont venus, l’aile éployée, autour de moi me demander leur juste nourriture comme à tous les autres trépassés ; je la leur ai refusée, et ils ont fui avec un cri aigu dans les solitudes, sur la cime dénudée du rocher.

« Je défie le ver de terre, il ne fera pas de moi sa pâture.