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LIVRE XXI.

« Je défie le vent du soir, chargé de pluie en automne ; il ne fera pas entrer la tristesse dans mon cœur.

« Je défie le souvenir des choses passées ; il ne mettra pas une ride à mon front.

« Je défie la parole empoisonnée de mes ennemis ; elle tombera à mes pieds sans me faire de blessure. Je défie le serpent et l’immense vipère tortueuse dans les bois et dans l’enceinte des villes ; leurs dents sont arrachées.

« Je défie le rire ; il ne transpercera pas mes os. Je défie les larmes ; elles ne consumeront pas mes yeux.

« Je défie l’exil ; il ne m’ôtera pas mon foyer.

« Je défie l’oubli ; il ne me dévorera pas.

« Je défie l’iniquité ; elle ne m’écrasera pas.

« Je défie l’enfer ; il ne m’engloutira pas.

« Quand, chaque matin, le soleil reparaît au-dessus de leurs têtes et que tout recommence à luire, ils s’enorgueillissent, ils se réjouissent, et tous s’écrient : « Voici le jour, fils éblouissant du matin. Nous échappons à l’ombre ; malheur à celui qui est dans la nuit. »

« Et moi, je réponds : « La nuit où est-elle ? Qui l’a faite ? Je ne la connais point, ni l’ombre qui marche après elle. »

« Qu’ils entendent encore ceci Dieu et l’homme :

« Je me ris de la douleur ; elle est déjà passée. Je me ris de la mort ; elle est venue, et c’est moi qui l’ai ensevelie. Oui, c’est moi qui lui ai mis le linceul d’où elle ne sortira pas.