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MERLIN L’ENCHANTEUR.

— Pour revoir Merlin parmi nous, il n’est rien que nous ne fassions. Laissez-nous seulement l’espérance. »

Ce mot commença à attendrir l’enchanteur. Sans y penser, il ressaisit machinalement sa harpe, et il répondit avec un peu d’exaltation, après avoir promené ses doigts sur les cordes les plus basses :

« Le noble Arthus, à la barbe blanche de neige, n’est-il pas réveillé ?

— Non, seigneur.

— Cela m’étonne, bonnes gens ; mais il se réveillera bientôt dans sa puissance, quoiqu’à la vérité il tarde plus que je n’avais pu prévoir. Il reviendra, je vous le dis, sur son cheval couleur de cygne ; le pommeau de son épée resplendira dans la Scandinavie, et la pointe s’aiguisera sur les Colonnes d’Hercule. Quand cela arrivera, ne manquez pas de courir au-devant de lui et de baiser promptement ses habits et son bouclier magique que moi-même j’ai forgé de mes mains. Ce sera le signal d’une grande joie sur presque toute la terre.

— À quels signes reconnaitrons-nous que le moment est proche ? demandèrent les nations.

— Je vais vous le dire, répliqua Merlin.

« Les dents des loups seront, pour lors, ébréchées[VI.]. Les pierres mêmes parleront et crieront de France en Angleterre, d’Angleterre aux Hespérides. Le cœur de l’homme frémira comme le lac qui déborde. Des pensées ailées planeront sur sa tête. La pitié morte renaîtra dans la poitrine des femmes ; elles retrouveront des larmes dans leurs yeux pour pleurer sur ceux dont elles