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LIVRE XXI.

Tel avait été longtemps le cri des hommes. Vous pouvez donc aisément croire que le premier retentissement de la harpe de Merlin fut ouï avec allégresse de l’univers entier ; et certes, il n’y eut si petit être, ni si chétif, qui ne s’en réjouît en son âme, comme de sa propre félicité. Surtout, les petits des oiseaux au fond des bois se mirent sur le bord de leurs nids, et ils se disaient les uns aux autres : « Avez-vous entendu la harpe de Merlin ? » Sur quoi, tous les rossignols se prirent à chanter, ce qu’ils n’avaient pas fait depuis des siècles.

Leurs douces voix printanières arrivèrent dans le verger ténébreux où étaient en ce moment Merlin et Viviane.

« Écoute, écoute, lui dit-elle. Ils sont là sur nos têtes. »

Puis, ayant pris à son tour la harpe, elle la fit frissonner sous ses doigts. Ce qu’entendant les rossignols, ils lui répondirent de plus belle, à l’envi, en cherchant à la contrefaire. Et c’est ainsi qu’ils apprirent une quantité de chansons qu’ils n’ont plus jamais oubliées depuis ce temps-là.

Il faut encore savoir que Merlin, ne faisant plus la différence des jours et des nuits, avait pris sa harpe au milieu de la nuit profonde ; et c’est la raison pourquoi les rossignols aiment à chanter leurs plus doux chants, ceux qu’ils ont appris de Merlin et de Viviane, à l’heure de minuit, quand tous les autres êtres reposent.