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LIVRE XXII.

Les plagiaires épuiseront-ils jamais les profondeurs de ce sépulcre ? Le jour viendra-t-il où toutes les beautés qu’il renferme auront été pillées jusqu’à la dernière ligne ? J’en doute, moi qui ai parcouru à mon aise les innombrables pages, collées l’une sur l’autre, dans le plus grand ordre, comme les feuilles d’ardoise dans le sein des montagnes. J’estime à vue de pays que tous les scribes et hommes de plumes (Dieu merci, ils sont, de notre temps, plus nombreux que les grains de sable du désert) travaillant l’un dans l’autre dix-huit heures par jour, pendant vingt siècles, épuiseraient à grand’peine les trois quarts du texte ; et je ne parle ici que de la prose. Est-ce croyable ? direz-vous. Je ne sais, mais cela est, et cela me suffit. Savez-vous donc ce que peut une seule vision d’amour dans un tombeau ?

VII

Cependant Turpin s’était retiré sur une montagne chauve, parsemée de fleurs d’hysope, dans la ruine d’un vieux château de briques, couleur de rouille, dont il s’était fait une demeure assez sortable pour un homme tel que lui, habitué, je l’ai dit, à vivre au milieu des renards et des aigles. Il sortait peu de cet abri et commençait à prendre le monde fort en pitié.

À ses pieds passaient hâtivement des générations nouvelles, sèches, légères, glacées comme des feuilles