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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Heureux mille fois, s’il eût pu déconcerter Viviane, en lui ménageant une perpétuelle surprise. Et tout cela, sans effort, comme un jeu. Car ce qu’il redoutait le plus était le pédantesque. Sans compter que tant d’œuvres magnifiques ou gracieuses, dont se nourrissent encore aujourd’hui tous les peuples (aliment qui pour eux remplace souvent le pain), ont été mises au monde au milieu de la plus parfaite sérénité, comme un défi jeté aux menaces du tombeau.

Qu’après cela, il reste encore beaucoup à piller, dans ce sépulcre, qui que vous soyez, n’en doutez pas. Je l’affirme, pour y avoir vu de mes yeux quantité d’ouvrages que je me suis fait conscience de dérober. Mais, puisque le monde me sait si peu de gré de cette réserve, maudite soit elle ! À l’avenir, je serai moins discret (car l’âge ôte, dit-on, le scrupule) ; et je vous en préviens ici loyalement, solennellement, afin qu’au besoin vous mettiez des gardiens, espions, estafiers, recors, sbires, hallebardiers, s’il vous en reste, de quoi faire le guet autour de ce tombeau.

Pour peu que l’on me presse de questions irritantes, je confesserai même que le présent ouvrage est tout entier copié d’une des colonnes de Merlin, situées au fond du péristyle, à main gauche, en entrant dans le sanctuaire. Vous la reconnaîtrez à ce qu’elle est de pure émeraude, sans tache. Bien entendu que cet aveu ne tournera pas contre moi. Je donne ici l’exemple d’une véracité, qui, hélas ! ne trouvera que trop peu d’imitateurs.