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LIVRE XXIV.

qu’en effet l’enfer s’était écroulé, elles se mirent à fuir comme ceux qui sortent la nuit, à la hâte, d’une ville qu’ébranle un tremblement de terre.

Elles fuyaient, et nul des démons ne songeait à les poursuivre, tant ils étaient acharnés à se détruire les uns les autres. Dans l’anarchie de l’enfer, ils avaient même oublié de fermer les portes de la cité de deuil. Les âmes exemptées du supplice se hâtent vers cette porte ; elles la franchissent, elles revoient la lumière ; ainsi fut réalisée, ce jour-là, la prophétie de Merlin :

« La poussière des aïeux sera renouvelée ! »

III

Au fracas de l’enfer écroulé, Merlin sent chanceler le sépulcre. Son père, privé d’abri, étonné de survivre, déshérité, proscrit, avait voulu rester dans les ruines de l’empire des douleurs. Tous deux se rencontrent dans ces vastes abîmes. Ils cherchent l’un et l’autre les frontières effacées des royaumes maudits.

Celui qui a gravi, à minuit, la cime du Vésuve ou de l’Etna, dans une cendre tiède, sur un sol tremblant, coupé de fleuves de feu, d’où s’exhale une respiration haletante de géants, celui-là peut se représenter le chemin calciné où marchent les deux derniers pèlerins de l’enfer. À mesure qu’ils avancent, Satan reconnaît les lieux qui lui étaient le plus familiers.