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LIVRE XXIV.

Turpin écrivit ce qu’il venait d’entendre et de voir.

L’enchanteur aurait eu maintes réflexions à faire sur ce qui venait de se passer, et ses compagnons prêtaient d’avance l’oreille. Mais il craignait par-dessus tout l’impatience de son père qui en donnait déjà quelques signes. Voilà pourquoi il abrégea la cérémonie et se contenta de dire :

« Vous êtes témoins de la conversion de Satan. Allez ! répandez-en la nouvelle. C’est, sans contredit, le plus grand de mes prodiges. »

Longtemps les hommes refusèrent toute créance à cette nouvelle. Quand Jacques allait la répandre dans les villes, on lui fermait la bouche. Il était resté si crédule, il avait si peu de dehors que son témoignage n’avait aucune autorité. Turpin inspirait plus de respect. Mais il avait, disait-on, plus d’imagination que d’esprit, plus d’esprit que de jugement. Quant au prêtre Jean, il passait pour hérétique. Aussi la foule réunie devant le tombeau de Merlin disait-elle, d’une commune voix :

« Comment croirons-nous à la conversion de Satan ? Certes, ce n’est là qu’un mensonge de plus. Qui voudrait se faire son garant ?

— Moi, répondit le tombeau.

— Vous, Merlin ?

— Moi-même. »

Et sur cela, Merlin ferma le soupirail de son sépulcre qui trembla et faillit s’abimer pour la seconde fois.