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MERLIN L’ENCHANTEUR.

V

Cependant, au bruit des portes de l’enfer précipitées par le père de Merlin dans l’étang des pleurs, le roi Arthus avait soupiré ; puis il avait étendu les bras, tâté sa couche, mordu ses lèvres, ouvert les yeux ; enfin il s’était relevé à demi sur son séant. Jacques s’était hâté de lui présenter une coupe d’hydromel et un bocal de vin extravagant ; sûr que le dormeur allait se rendormir, comme cela était si souvent arrivé.

Il n’en fut rien. Tout au contraire, Arthus se lève, ceint son épée, et se frottant les yeux, il rencontre ceux de Jacques.

« Il faut, dit-il, que mon échanson m’ait versé du pavot ; car il me semble que mon sommeil a été plus long et plus pesant qu’à l’ordinaire. »

Jacques s’excusa sans peine sur le breuvage, et pour montrer son innocence, il avala d’un trait le reste de la coupe. Mais, comme il craignait les reproches, et que d’ailleurs il n’avait jamais eu la notion bien exacte du temps, il se contenta de répondre :

« La nuit a été noire et pluvieuse. Le mieux était de dormir. Sire, avez-vous eu un songe ?

— Plusieurs, et tous plus étranges que plaisants, répondit Arthus en un langage un peu gothique, où l’on sentait la rouille du temps. Retiens ce que je vais t’en