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MERLIN L’ENCHANTEUR.

veillèrent ; elles cherchèrent à tâtons autour d’elles les vêtements de fête qui leur avaient été préparés ; puis, revêtues d’une pourpre lumineuse, elles montèrent sur leurs chars et reparurent au jour, jeunes et vermeilles, si bien qu’elles semblaient autant d’aurores nouvelles, automnales, qui fuyaient la demeure des ténèbres.

Quelle fut celle qui reparut la première au jour et rendit au monde une partie de l’ancienne joie perdue ? Est-ce toi, Italie, que je vois se hâter si vite hors de la tombe à peine ouverte ? Ah ! prends garde à ce sentier mal éprouvé, qui côtoie les monts au bord de l’Adige. Fais monter sur ton char le prophète pour qu’il dirige mieux tes chevaux que trop de soleil enivre. Si tu étais précipitée une fois encore dans les flots sanglants du Tibre ou de l’Oglio, nul ne pourrait te sauver.

Est-ce toi qui passes, Polonia ? Tu glisses sur la neige durcie sans y laisser l’empreinte de ta course rapide. La fausse aurore t’aveugle. Défie-toi de ce que tu as trop aimé, ce chemin te ramène au sépulcre.

Est-ce toi qui devances les autres, ô Hongrie ! dont les chevaux effarés respirent encore la mort ? Prends pitié de ceux que tu as foulés trop longtemps, et vois comme ils sont prêts encore à te haïr. Ne les fais pas repentir d’avoir pleuré sur toi.

Est-ce toi, Roumanie, toi la mieux ensevelie ?

Est-ce toi, ô la plus aimée ?…

Mais la poussière s’élève sous leurs pas et m’empêche de discerner quelle est la première qui franchit le sépulcre.