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MERLIN L’ENCHANTEUR.

XII

Il est vrai qu’instruit enfin par tant d’aventures, par les conversations entrecoupées d’Arthus, par la vue de Merlin échappé du tombeau, l’éducation de Jacques était plus qu’ébauchée. Vous-même, vous eussiez eu peine à le reconnaître.

Quoiqu’il n’eût pas vécu dans le sépulcre, il en avait vu l’ombre ; et il avait contracté quelque chose de la clairvoyance des sages. Ses yeux, naguère myopes, toujours demi-fermés et clignotants, s’étaient enfin ouverts à la lumière du jour ; et comme ils étaient naturellement grands, larges, bien fendus sur les bords, sa physionomie s’en trouva toute changée, à son avantage. Outre que son front était plus serein, ses joues mieux nourries, sa chevelure mieux démêlée, sa barbe moins épaisse ; ce qui joint à sa démarche plus assurée, à sa haute taille dont il ne perdait plus un pouce, fit de lui un homme nouveau, lequel n’avait plus rien de commun, que l’ancienne probité, avec l’homme ou l’homuncule qu’il avait été si longtemps.

Pendant la léthargie d’Arthus, il avait essayé plus d’une fois, par désœuvrement, la couronne sur sa tête ; il s’était accoutumé à la porter aisément, simplement, comme un chapeau de berger. Souvent il la gardait, sur sa tête, en faisant son ouvrage, quelquefois même