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MERLIN L’ENCHANTEUR.

et vous n’avez jamais eu la force de vous décider pour oui ou pour non.

Vous êtes une frêle liane qui a besoin du chêne pour se soutenir. Des courtisans mal avisés vous ont fait croire que c’est vous qui êtes le chêne ; de ce moment, tout a été perdu pour nous.

Vous ne savez ni aimer ni haïr. Vous détruisez d’une main ce que vous avez élevé de l’autre ; après cela vous criez : « Je me perds ! »

Pour moi, bon ou mauvais, je suis précisément le contraire. Ce que j’ai voulu je le veux toujours ; ce que j’ai désiré je le désire toujours ; ce que j’ai aimé je l’aime toujours ; ce que j’ai haï je le hais toujours.

Allez-vous, cette année, comme vous en aviez, je crois, le projet, dans la vallée de Cachemire ? ou bien n’y allez-vous pas ? Faites l’un ou l’autre, mais au moins faites quelque chose. Vous parlez de religion, Viviane, depuis ces derniers temps. Il n’y a rien de plus irréligieux que ce néant de volonté.

Après l’épreuve que j’ai faite, il faudrait être insensé pour croire encore à ma puissance sur vous. Soyez donc et continuez d’être ma sœur. Je n’aurais jamais dû désirer autre chose, et de votre côté appelez-moi votre frère. Au fond, c’est là ce que vous avez toujours demandé ; une pareille relation peut être un paradis de miel.

Vous avez pris, Viviane, depuis ces derniers temps, un verbiage pieux que je ne vous connaissais pas auparavant. À vous entendre, c’est un dieu inconnu, un