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MERLIN L’ENCHANTEUR.

est loin d’ici ? Je ne puis te donner ce que j’ai perdu moi-même ; mais je puis te faire entrer avec moi, couronnée de cette branche de myrte, dans le cortége du roi des enchantements.

Quand le char eut disparu, Merlin sentit la tristesse humiliante qui s’attache à nous après une fête splendide. Sitôt qu’elle est finie, nous nous ressouvenons du mal que nous portons en nous-mêmes et que nous aimons à nourrir. Nous nous sentons misérables de l’avoir oublié, et il se ravive de ce qu’on a fait pour l’éteindre.

Voilà ce qu’éprouvait Merlin. Mécontent de lui, des choses, de Psyché, du monde entier, surtout des dieux, il prit le rouleau de lettres qu’il avait reçu de la marraine de Viviane. Il le froissa dans ses mains et faillit le déchirer, puis il le mouilla de ses larmes. D’abord, il ne voulait en revoir que la première ligne, puis la seconde ; après celles-là, ne fallait-il pas parcourir au moins des yeux, le reste ? C’est ainsi que le cœur serré, les yeux tantôt humides, tantôt brûlants, l’haleine oppressée, marchant, s’arrêtant, s’interrompant à chaque pas, avec un mélange cuisant d’amertume, de bonheur, de dépit, de remords, de délices, de passion inassouvie, il relut ce qui suit, pour la vingtième fois.