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LIVRE XIII.

II

VIVIANE À MERLIN.
Bois du roi, mois des primevères.

Tu te plains, Merlin, à tout l’univers d’être abandonné, trahi, que sais-je ? Ingrat ! voilà la centième lettre que je t’écris, et pas un mot de réponse ! Pourquoi ce silence de pierre ? Ma première lettre a été écrite sur l’aile d’un papillon diapré d’or et d’azur qui a lui-même servi de messager ; je te racontais ma peine, mes insomnies depuis notre séparation. Le messager t’a suivi deux jours et tu ne l’as pas même regardé. Enfin, découragé par tant de mépris, il est revenu à moi, mourant de fatigue et de faim. Sur cela, je t’ai envoyé pour messagers trois bandes de cygnes sauvages, deux couvées de rossignols, trois troupes de sansonnets ; tous portaient une lettre embaumée. Tu ne les as pas, disent-ils, regardés davantage, lorsqu’ils ont passé à ta porte.

J’ai fait bien plus. J’ai écrit ton nom et le mien, mariés ensemble, dans le calice des fleurs printanières, et je leur ai recommandé de se tenir penchées et d’attendre sur le bord des sentiers où tu devais passer. Il y a des pâquerettes et des primevères qui ont eu la patience d’attendre ainsi des mois entiers, jour et nuit,