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LIVRE XIV.

même le fer ne détruisent les cités. Ce qui les fait crouler, c’est…

— Qu’est-ce donc ? interrompit la foule toujours trop impatiente.

— C’est d’en ôter la liberté et la justice, reprit avec calme Épistrophius. »

Merlin, qui avait soufflé cette réponse, baissa les yeux. Tous ou presque tous battirent des mains. Le bruit s’en répandit jusque dans le bois de pin de Dhervény qui est à cinq lieues de là. Épistrophius fut proclamé le roi des jeux. On lui donna la couronne de persil ; il reçut en outre, pour récompense, des urnes fêlées, pleines encore d’une cendre humide, dernier reste du peuple puissant des Ituréens. Tels furent les jeux qui remplirent la première journée.

Le lendemain, dès le point du jour, l’ambition des meilleurs fut excitée plus encore que la veille. On avait réservé, pour l’heure matinale, de disputer le prix du sophisme. Il s’agissait de prouver que le blanc c’est le noir, que le oui c’est le non, qu’il fait nuit à midi, en un mot, de jouer avec la conscience et la parole humaine, comme les anciens trop simples jouaient à la paume, au disque ou aux osselets. Les concurrents furent innombrables ; c’était l’industrie nationale.

Périclès, duc d’Athènes, prouva qu’il fait nuit en plein jour ; Simonide, roi de Pentapolis, que le despotisme est le père de la liberté ; Aschillius, roi de Dacie, que le mal est l’auteur de tout bien ; Hélicanus, seigneur de Tyr, que deux et deux font cinq ; Hirtacius, roi des Par-