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LIVRE XIII.

Ma marraine, Diane de Sicile, est la seule personne qui m’ait donné quelque consolation. Par malheur, je la vois trop rarement ; elle est toujours à la chasse. Pourtant sa vie de chasseresse ne l’a point endurcie ; il y a un grand cœur sous ce visage d’airain. Parle-lui, ouvre-toi à elle en toute assurance. S’il y a encore un avenir pour nous, c’est à elle que nous le devrons.

Tu avais toujours rêvé la vie errante de l’enchanteur et tu as voulu la connaître ! Puisses-tu n’en pas sentir bientôt le vide ! Moi aussi je l’ai connue ; hélas ! elle n’est pas même une distraction pour celui qui aime.

Mais que dis-je ! toi, tu n’aimes que la gloire, le bruit ; tu te figures être le martyr de l’amour, quand au fond tu ne cherches que la fumée. Qui t’empêchait de revenir à moi ? Tu as mieux aimé (sublime occupation !) donner des lois aux sociétés humaines. Et qu’est-ce, il faut l’avouer, que la pauvre Viviane en comparaison de la cour du grand Arthus, et même de celle de ce noble Épistrophius dont je ne puis cependant m’empêcher de rire ? Je t’en demande humblement pardon ; car je suppose que tu es devenu au moins son chambellan.

Si tu trouves cette lettre un peu trop rieuse, il faut t’en prendre aux violettes et aux perce-neiges qui ne cessent de chuchoter à mon oreille et de causer avec le bouvreuil pendant que je t’écris.

Tu me reviendras, Merlin ! mais ne sera-ce pas trop tard ? Que serai-je moi-même alors ? je t’écrirai sans faute par toutes les occasions qui se présenteront. Déjà