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LIVRE XV.

— Que tant de beauté soit plus longtemps profanée à ce joug abominable, dit Merlin, c’est à quoi je ne saurais consentir sans me déshonorer ; et dussé-je, pour vous affranchir, allumer moi-même de mes mains une guerre plus longue que celle qu’ont soutenue vos ancêtres dans les champs de Troie pour reprendre la belle Hélène, moins belle que vous assurément, je n’hésiterais pas à en donner le signal. »

Cependant il essuyait la sueur qui coulait du front de la jeune Grecque. À la vue de ses yeux humides, tantôt noirs, tantôt bleus, suivant qu’ils réfléchissaient la douleur ou l’espérance, il restait ébloui. Déjà il éprouvait comme un remords de la trouver si belle.

Les bras croisés sur la poitrine, elle tient sa tête penchée comme une anémone au souffle du matin. Vous diriez d’abord que toute sa personne se compose de deux yeux seulement, tant ils sont grands, ouverts, perçants, épanouis, envahissants, tant ils vous enveloppent d’éclairs et de splendeurs. Mais après le premier éblouissement, Merlin finit par découvrir dans ces nimbes de flamme, une tête fière, arcadienne, des cheveux soyeux qui descendent en anneaux sur le cou, et boivent la sueur d’un sein moite, haletant ; une taille svelte, serrée par un lambeau de laine ; un air de vierge chasseresse qui cherche un javelot dans son carquois. Telle pouvait être la marraine de Viviane à quinze ans dans les ravins de l’Etna ou la forêt d’Érimanthe. Par malheur, une entorse récente gonfle encore la veine bleue d’un des pieds de Marina et l’em-