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LIVRE XV.

lui fit des piqûres au bras avec des tiges d’orties et de varech qui restèrent tachetées de gouttelettes de sang. D’ailleurs il n’avait pas oublié d’étendre sur elle son manteau et de le replier deux fois ; le tout en vain.

C’est alors que l’idée lui vint de souffler lentement, doucement son âme haletante d’enchanteur sur les lèvres décolorées de Marina.

J’ai dit et je répète que tous les moyens connus avaient été impuissants, frictions, odeurs pénétrantes, lotions d’eau salée. Mais quand les lèvres de notre enchanteur eurent touché les lèvres de Marina (fut-ce là une œuvre de magie, ou est-ce l’effet d’un spécifique dont l’emploi doit être recommandé dans les cas semblables ?) les paupières de la jeune fille frissonnèrent et parurent se rouvrir un moment.

Qu’est-ce que ce rapide espoir ? Presque aussitôt ses yeux mourants se referment, et cette fois, sans doute, pour toujours ; car ils sont scellés sous des grains de sable qui se sont collés dans l’interstice des paupières. Merlin aperçoit à travers les cils noirs le sable humide ; d’un souffle il le dissipe. Mais, hélas ! les paupières sont restées closes.

Pourtant il fallait savoir si le cœur recommençait à battre : rien de plus urgent que de s’en assurer. L’oreille attentive, collée sur le cœur de Marina (la mer implacable fit elle-même silence), Merlin compte d’abord quinze pulsations, lentes, inégales, fébricitantes, sensibles à peine. Il craint de s’être trompé : il recommence, et, cette fois, il en peut compter distinctement