Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur tome 2, 1860.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
MERLIN L’ENCHANTEUR.

vingt, puis trente… il arriva jusqu’à soixante. C’était enfin la vie.

En rouvrant les paupières, Marina ne voit autour d’elle que bleu d’azur sur les voûtes, les piliers, les stalactites informes. Déjà elle croit habiter le ciel, et cherche, dans une niche, la Panagia. Quant à son sauveur, elle le prit d’abord pour saint Georges ; mais cette méprise ne dura qu’un moment.

La mer ayant soudainement fraîchi sous le mistral qui se fait sentir dans ces parages, l’ouverture se trouva bientôt fermée. Au lieu du jour de saphir qui inondait la grotte, tout fut rempli d’impénétrables ténèbres. Marina crut mourir une seconde fois.

« Vous vivrez ! cria Merlin.

— Panagia ! Panagia ! » murmura la jeune Grecque en se soulevant à demi ; et voyant que l’issue était fermée par une montagne d’eau, elle se laissa retomber sur le cœur du prophète.

Un long silence suivit ; puis, d’une voix éteinte, elle ajouta : « J’ai faim. »

Prononcés par une bouche ingénue, ces mois, j’ai faim, transpercèrent le cœur de Merlin ; il mesure le péril : nul moyen d’y échapper. Il cherche s’il n’a pas sur lui quelque reste de provision. Une datte sèche, deux amandes amères, trois grains de raisin des îles, mais pas une miette de pain, voilà ce qu’il parvint à découvrir dans un pli de sa ceinture ; et, franchement, qu’était-ce que cela pour deux personnes subitement ensevelies vivantes dans la saison de l’équinoxe ? car on