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« Anti-Œdipe (L’) »

1. La contestation psychanalytique du freudisme trouve son expression la plus radicale dans l’ouvrage du philosophe Gilles Deleuze et du psychanalyste Félix Guattari : « L’Anti-Œdipe » (Éditions de Minuit), publié en 1972. Dès la parution du livre, on se demande si son succès est dû au scandale ou si, par-delà le parti pris de contestation globale, fréquent dans la production philosophico-littéraire contemporaine, il ne recouvre pas une analyse profonde aux effets durables. Écrire dès les premières lignes : « Ça respire, ça chauffe, ça mange, ça chie, ça baise » dénote de la part des auteurs une volonté assez étonnante de renouvellement du langage scientifique.

2. Gilles Deleuze, qui avait habitué ses lecteurs à un tout autre style, n’abdique pourtant pas ses thèmes favoris. Le sens, le signe, la lecture de Nietzsche sont partout présents. L’apport de Félix Guattari, psychiatre révolutionnaire, leur donne une dimension inattendue, mais qui reste cohérente avec les recherches antérieures de Deleuze.

3. Pour venir à bout de Freud et du freudisme, les auteurs renversent totalement la perspective communément admise. « Le premier tort de la psychanalyse, écrivent-ils, est de faire comme si les choses commençaient avec l’enfant. » Or, c’est le père qui est premier par rapport à l’enfant. C’est lui qui projette la culpabilité que le fils intériorisera (« c’est le père paranoïaque qui œdipianise le fils »). Freud, et les psychanalystes en général, sont restés dans le cadre du « familialisme ». Ils n’ont pas vu que la famille n’est jamais déterminante, mais seulement déterminée. Car le désir s’investit dans la communauté du champ social dont la famille n’est qu’une dépendance.

4. Le sujet — que Deleuze et Guattari appellent « machine désirante » — doit être compris selon le maté-