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Ce lui fut d’abord un malaise, une gêne. Il sentait tout l’infini, tout l’imprécis de cet horizon entrer en lui, le pénétrer, alanguir son âme et comme l’embrumer, elle aussi, de vague et d’indicible. Puis, il sentit tout à coup combien son rêve s’élargissait, s’étendait, s’adoucissait, en un calme immense, comme le silence environnant. Et il vit la splendeur de ce pays, la lumière seule, triomphante, vivifiant la plaine, le sol lépreux, en détruisant à chaque instant la monotonie… La lumière, âme de cette terre âpre, était ensorcelante. Il fut près de l’adorer, car en la variété prodigieuse de ses jeux, elle lui sembla consciente.

Il connut la légèreté gaie, l’insouciance calme dans les ors et les lilas diaphanes des matins… L’inquiétude, le sortilège prenant et pesant, jusqu’à l’angoisse, des midis aveuglants, où la terre, ivre, semblait gémir sous la caresse meurtrissante de la lumière exaspérée… La tristesse indéfinissable, douce comme le renoncement définitif, des soirs d’or et de carmin, préparant au mystère menaçant des nuits obscures et pleines d’inconnu, ou claires comme une aube imprécise, noyant les choses de brume bleue.

Et il aima la plaine.

Des dunes incolores, accumulées, pressées, houleuses, changeant de teintes à toutes les heures, subissant toutes les modifications de la lumière, mais immobiles et comme endormies en un rêve