Page:Eberhardt - Contes et paysages, 1925.pdf/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beauté féminine, aux longs yeux d’ombre et de langueur, lui servait d’interprète. Un caporal infirmier, face rubiconde et réjouie, un peu goguenarde, l’assistait.

Dans une cour étroite et longue, une vingtaine d’indigènes attendaient, accroupis, en des poses patientes, sans hâte.

Quand Jacques parut, les malades se levèrent, quelques-uns péniblement, et saluèrent militairement, gauches.

Les femmes, cinq ou six, élevèrent leurs deux mains, ouvertes disgracieusement au-dessus de leur tête courbée, comme pour demander grâce.

Dans le regard de ces gens, il discerna clairement de la crainte, presque de la méfiance.

Le groupe des hommes en burnous terreux, faces brunes, aux traits énergiques, aux yeux ardents abrités de voiles sales et déchirés… Celui des femmes, plus sombre. Faces ridées, édentées de vieilles, avec un lourd édifice de tresses de cheveux blancs rougis au henné, de tresses de laine rouge, d’anneaux et de mouchoirs… Faces sensuelles et fermées de jeunes filles, aux traits un peu forts, mais nets et harmonieux, au teint obscur, yeux très grands étonnés et craintifs… Le tout, enveloppé de mlahfa d’un bleu sombre, presque noir, drapé à l’antique.

Attentivement, corrigeant par la douceur de son regard, par la bonhomie affectueuse et rassurante de ses manières la brusquerie que donnait