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Page:Eberhardt - Contes et paysages, 1925.pdf/23

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Assise sur une pierre, à l’ombre d’un rocher rougeâtre où des genévriers odorants croissaient, Yasmina jouait distraitement avec des brindilles vertes, et chantait une complainte bédouine où, comme dans la vie, l’amour et la mort se côtoient.

L’officier était las et la poésie sauvage du lieu lui plut.

Quand il eut trouvé la ligne d’ombre pour abriter son cheval, il s’avança vers Yasmina et, ne sachant pas un mot d’arabe, lui dit en français :

— Y a-t-il de l’eau, par ici ?

Sans répondre, Yasmina se leva pour s’en aller, inquiète, presque farouche.

— Pourquoi as-tu peur de moi ? Je ne te ferai pas de mal, dit-il, amusé déjà par cette rencontre. Mais elle fuyait l’ennemi de sa race vaincue et elle partit.

Longtemps, l’officier la suivit des yeux.

Yasmina lui était apparue, svelte et fine sous ses haillons bleus, avec son visage bronzé, d’un pur ovale, où les grands yeux noirs de la race berbère scintillaient mystérieusement, avec leur expression sombre et triste, contredisant étrangement le contour sensuel à la fois et enfantin des lèvres sanguines, un peu épaisses. Passés dans le lobe des oreilles gracieuses, deux lourds anneaux de fer encadraient cette figure charmante. Sur le front, juste au milieu, la croix berbère était tracée en bleu, symbole inconnu, inexplicable chez ces peuplades autochtones qui ne furent jamais