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Page:Eberhardt - Dans l’ombre chaude de l’Islam, 1921.djvu/240

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Elle posa sa main tremblante dans la main forte du nomade et ils se mirent à courir à travers le chott Bou Djeloud, dans la direction de l’oued Rir'… et quand elle disait « J’ai peur, arrête-toi ! », il la soulevait irrésistiblement dans ses bras, car il savait que cette heure lui appartenait et que toute la vie était contre lui.

Ils fuyaient, et déjà les aboiements des chiens s’étaient lassés.


Le vieillard, surpris et irrité du retard de sa fille, sortit du bordj et l’appela à plusieurs reprises. Mais sa voix, sans réponse, se perdit dans le silence lourd de la nuit. Un frisson glaça les membres du vieillard. En hâte, il alla chercher son fusil et descendit.

La gamelle flottait sur l’eau et la guerba vide traînait à terre.

— Chienne ! elle s’est enfuie avec le vagabond. La malédiction de Dieu soit sur eux !

Et il rentra, le cœur irrité, sans une larme, sans une plainte.

— Celui qui engendre une fille devrait l’étrangler aussitôt après sa naissance, pour que la honte ne forçât pas un jour la porte de sa maison, dit-il en rentrant chez lui. — Femme, tu n’as plus qu’une seule fille… et celle-ci est même de trop !… Tu n’as pas su garder ta fille.

Les deux vieilles et Emborka commencèrent à pleurer