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Page:Eberhardt - Dans l’ombre chaude de l’Islam, 1921.djvu/340

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notes sur isabelle eberhardt

saisir le sabre de Si Lachmi. Mais le premier coup avait porté sur le sommet de ma tête et m’avait étourdie. Je tombai donc sur une malle, sentant une violente douleur au bras gauche.

L’assassin, désarmé par un jeune mokaddem des Kadriya, Si Mohamed ben Bou-Bekr et un domestique de Sidi Lachmi nommé Saâd, réussit cependant se dégager. Le voyant se rapprocher de moi, je me relevai et voulus encore m’armer, mais mon étourdissement et la douleur aiguë de mon bras m’en empêchèrent. L’homme se jeta dans la foule en criant : « Je vais chercher un fusil pour l’achever. »

Saâd m’apporta alors un sabre arabe en fer ensanglanté et me dit « Voilà avec quoi ce chien t’a blessée ! »

Le marabout, accouru au bruit et auquel le meurtrier fut immédiatement nommé par des personnes qui l’avaient reconnu, fit appeler le cheikh indépendant de Behima, appartenant comme l’assassin à la confrérie des Tidjanya, qui sont, comme l’on sait, les adversaires les plus irréconciliables des Kadriya dans le désert.

Ce singulier fonctionnaire opposa une résistance obstinée au marabout, prétendant que le meurtrier était un chérif, etc.

Le marabout le menaça alors publiquement de le dénoncer comme complice au bureau arabe, et il exigea énergiquement que l’assassin fût immédiatement arrêté et amené. Le cheikh s’exécuta de fort mauvaise grâce.

L’assassin, emmené dans la pièce où l’on m’avait étendue sur un matelas, commença par simuler la folie, puis, convaincu de mensonge par ses propres concitoyens qui le connaissaient pour un homme raisonnable, tranquille et sobre, il se mit à dire que c’était Dieu qui l’avait envoyé pour me tuer.

Ayant toute ma connaissance, je constatai que la figure de cet homme m’était totalement inconnue, et je me suis mis à l’interroger moi-même. Il me dit que lui non plus, Il ne me connaissait pas, qu’il ne m’avait jamais vue, mais qu’il était venu pour me tuer et que, si on le lâchait, il recommencerait.