Page:Eberhardt - Pages d’Islam, 1920.djvu/23

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lance du geste, cette politesse raffinée, cette science épuisée par des redites et cette ironie citadine qui font encore de Fez une capitale musulmane entre les villes du monde.

Chez les Berabers elle aurait su noter mieux que personne l’âpreté des mœurs, la rudesse des passions, l’ignorance des conditions universelles et cet individualisme du clan qui dépasse tout par son entêtement montagnard.

Elle eût croisé, à Rabat et à Salé, des ânons de charge, des tanneurs de cuir jaune, des porteurs d’autres luisantes, des femmes empaquetées jusqu’aux yeux, des enfants dansante, des négrillonnes bariolées, des crieurs de babouches et des lettres de grande allure portant lunettes et, sous le bras, avec quelque manuscrit relié, le petit tapis de siège en feutre rouge qui est d’étude, de promenade et de prière.

Le mouvement de la rue marocaine n’aurait pas déçu sa curiosité si fraîche, mais je l’imagine, autrement que dans la fête des couleurs, en visite, un soir d’hiver et de pluie à Marrakech, après la traversée des places et des ruelles inondées, chez le vieux M’tougui ou quelque grand caïd de vague obédience chérifienne.

Elle est arrivée sous la recommandation de sa confrérie conduite par un « assès » silencieux dont la lanterne traîne sa lumière au ras du sol pour éclairer les flaques d’eau ; le grand