Page:Eberhardt - Pages d’Islam, 1920.djvu/22

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les cherche pas. Son style fluide n’a que faire des facettes ; il se contente, comme chez la plupart des conteurs russes, de la profondeur du sentiment qui doit se manifester avec une certaine négligence pour qu’on ne doute pas de lui.

Le milieu qui souffrait à son observation, dans le Tell et surtout à Alger, avait pourtant perdu une partie de son caractère. Elle s’est trouvée placée devant un Islam souffrant et en a souffert secrètement. Et c’est pourquoi elle ne s’est pas arrêtée sans regrets sur le seuil du Maroc fermé, car, derrière la hamada pierreuse, elle savait trouver un Islam moins touché et des villes mieux conservées dans leur poussière millénaire.

Elle en eut le pressentiment au départ de la zaouïya de Kenadsa, déjà si monacale, quand elle tourna à regret la tête de son cheval vers l’Oranie, après une courte hésitation et parce qu’il lui manquait cinq cents francs d’argent français pour aller au Tafilalet.

Modeste écolier de médersa, inaperçue dans les vieilles cités du Maroc, à Fez surtout, elle eût affronté discrètement une humanité religieuse et marchande mêlée aux saints et aux animaux ; elle eût respire une autre fleur de farine, écouté d’autres battements d’ailes avec le bruit des conduites d’eau et des petits moulins domestiques dans les murs de terre fauve ; elle eût goûté surtout cette noncha-