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La beauté de Rahil charma les heures d’une courte nuit d’été, pour le magicien mélancolique…

Et le matin, quand Rahil eut connu l’enchantement presque douloureux tant il était intense, de l’amour du magicien, quand, indifférent et songeur, il lui dit qu’elle pouvait partir, elle se laissa choir à ses pieds qu’elle baisa, l’implorant :

— Oh ! laisse-moi revenir ! Auprès de toi j’oublierai El Moustansar le soldat, et j’éviterai peut-être la perte que son amour me réserve !

Si Abd-es-Sélèm hocha la tête.

— Non. Ne reviens pas. La griserie d’une heure charmante ne renaîtrait plus… Non, ne reviens pas… Va à ton destin, j’irai au mien.

Rouge et ardent, baigné d’or pourpré, le soleil se levait au-dessus de la mer, d’une nuance lilacée, nacrée, où de légers serpents d’argent couraient, rapides, fugitifs.

Le long de l’oued Dheheb limpide et tranquille, sous les eucalyptus bleuâtres, Si Abd-es-Sélèm s’avançait lentement, rêveur.

Souvent, après la première prière du jour, Si Abd-es-Sélèm aimait promener son rêve triste, communier au sourire des choses…