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Dans le jour, Si Abderrahmane professait le Coran et la Loi à la mosquée. On avait deviné en lui un grand savant et on l’importunait par des marques de respect qu’il fuyait.

Aussi, venait-il tous les soirs, avant l’heure rouge du soleil couchant, s’étendre à demi sous le berceau de pampres.

Là, seul, dans un décor simple et tranquille, il goûtait des instants délicieux.

Loin de la demeure conjugale il évitait soigneusement toutes les pensées et surtout tous les spectacles qui parlent aux sens et les réveillent.

Cependant, un soir, il se laissa aller à regarder un groupe de jeunes filles puisant de l’eau à la fontaine.

Leurs attitudes et leurs gestes étaient gracieux. Comme elles étaient presque enfants encore, elles jouaient à se jeter de l’eau en poussant de grands éclats de rire.

L’une d’elles pourtant semblait grave.

Plus grande que ses compagnes, elle voilait à demi la beauté de son visage et la splendeur de ses yeux, sous un vieux haïk de laine blanche qu’elle retenait de la main. Sa grande amphore de terre cuite à la main, elle était montée sur un tas de décombres et elle semblait regarder, songeuse, l’incendie crépusculaire qui l’empourprait toute et qui mettait comme un nimbe léger autour de sa silhouette svelte.